Nous reproduisons ci-après un article de Sébastien Pirotte, accompagné de photos, et paru dans La Reid’Action d’août 2015 : de cette manière, vous pourrez profiter des photos en couleurs !
Un air de Provence à Theux
La « Fenêtre de Theux », encore elle !
Notre belle commune se caractérise par un paysage typiquement condrusien avec ses vallées calcaires (les « chavées ») et ses collines schisto-gréseuses (les « tiges »). Et pourtant, pas de doutes, nous sommes bien en Ardenne ! Nos somptueux paysages, nous les devons à un phénomène géologique connu de tous : la célèbre « fenêtre de Theux ».
Ce phénomène érosif original a permis la mise à jour, ici à Theux, de roches calcaires. Cela n’aurait rien de bien intéressant si nous ne nous trouvions pas sur le massif ardennais qui est, en principe, totalement dépourvu de ce type de roche, du moins en surface.
Ces roches se retrouvent dans certaines de nos vallées dont celle du Turon est certainement le plus bel exemple avec ses grottes, ses chantoirs et résurgences, ses dolines, etc.
Plus en aval, sur des versants bien exposés au soleil, là ou la roche affleure presque, des siècles de pâturage et de cultures extensives ont permis l’installation d’espèces particulières, formant ce que l’on appelle les « pelouses calcicoles ». Ces pratiques agricoles séculaires ont favorisé l’installation progressive d’une flore et d’une faune spécialisées et adaptées aux conditions de sécheresse et de chaleur des lieux. Ce type de milieu, comprenant de nombreuses espèces rares ou en danger, compte parmi les écosystèmes les plus diversifiés d’Europe.
La présence de roches calcaires à Theux fait donc de notre localité une station unique en Ardenne pour bon nombre d’espèces. Ces pelouses calcicoles, plus communes dans la vallée de la Meuse ou en Calestienne, sont caractérisées par leur richesse en insectes, en reptiles, en orchidées, en plantes aromatiques telles que le thym, l’origan, la sauge,… Bref, il s’agit là de véritables petits bouts de Provence !
La richesse biologique des pelouses calcicoles de Theux est connue de longue date puisque des publications botaniques leurs étaient déjà consacrées en… 1871.
Milieux en péril
Ces terres peu fertiles ont longtemps fait partie d’un système agricole basé sur l’autosuffisance. Malgré une faible productivité, elles ont permis, des siècles durant, le pâturage du bétail et la production de fourrages. Localement, elles ont également été cultivées.
Joyaux de notre flore, les pelouses sèches ont malheureusement le triste privilège de compter parmi les écosystèmes les plus menacés du continent. Les surfaces de pelouses calcicoles wallonnes ont ainsi drastiquement chuté depuis le début du siècle dernier, passant de plusieurs milliers d’hectares à la fin du XIXème siècle à quelques centaines seulement aujourd’hui. En quelques décennies à peine, un large pan de la diversité des milieux agricoles a disparu, entraînant dans l’oubli un riche patrimoine naturel, culturel et paysager. Nombreuses sont les espèces qui ont ainsi définitivement disparu de nos contrées. La principale cause de cette situation est l’abandon de ces terrains ingrats par l’agriculture moderne, ouvrant ainsi la voie à la recolonisation forestière. De vastes surfaces ont également été reboisées, labourées ou converties en pâtures intensives, voire urbanisées.
Où peut-on encore trouver ces joyaux semi-naturels ?
A Theux, les pelouses calcicoles se retrouvent le long de certains chemins calcaires, en bordure de certaines pâtures extensives,… mais les plus remarquables pelouses se retrouvent autour du centre theutois. Il s’agit du Thier du Gibet, bien connu pour son histoire et son actuelle croix, du Coteau de Mont, connu pour son ancienne carrière, et, enfin, les Thiers de Theux, ces somptueux et abrupts versants de part et d’autre du ruisseau du Wayot. Ces trois sites totalisent à peine plus de 10 hectares : un véritable condensé de nature sur une petite surface.
Abandonnés ou dégradés, ces sites ont fait l’objet d’un ambitieux programme de restauration à l’occasion du LIFE Hélianthème, un projet porté par Natagora asbl et financé par l’Union européenne et le Service Public de Wallonie. Ce projet a permis de déboiser et débroussailler ce qui pouvait encore être sauvé. Pour assurer la protection de ces sites à long terme, Natagora a entrepris de leur conférer le statut de « réserve naturelle ».
Des milieux agricoles à entretenir…
En l’absence « d’entretien », la forêt reprend possession des lieux. Ceci est d’ailleurs vrai pour tous les types de milieux agricoles.
Nos pelouses étant apparues avec le pastoralisme, des clôtures ont été installées afin de permettre le retour du bétail grâce à des collaborations avec des agriculteurs. Afin d’avoir une action efficace sur les rejets ligneux, de résister aux conditions de sécheresse et à la faible valeur nutritive des végétaux, l’utilisation de races rustiques s’impose et des moutons de races Ardennais roux et Ardennais tachetés ont ainsi été choisies. Ces troupeaux assurent un pâturage extensif durant des périodes très précises, compatibles avec la préservation du milieu et de ses espèces remarquables.
Aujourd’hui, une activité agricole extensive est à nouveau menée sur ces parcelles vouées à la protection de la nature et du paysage.
Une remarquable mobilisation bénévole
Bien que la gestion par pâturage soit très efficace, des travaux complémentaires sont indispensables afin de limiter la repousse des ligneux et l’enfrichement par certaines graminées très compétitives.
Ces chantiers sont très énergivores et chronophages. À Theux, les volontaires d’AD&N asbl se sont rapidement mobilisés, conscients de l’importance de protéger ces milieux. Ils ont été impliqués dès le début dans le processus de restauration de la « Provence theutoise », se faisant souvent les relais de l’équipe du projet LIFE Hélianthème, assurant le suivi du pâturage, participant aux inventaires biologiques, etc. Sur le terrain, de nombreuses gestions sont programmées chaque année. Ces « chantiers nature » sont accessibles à tous et constituent un excellent moyen de découvrir cet écosystème particulier.
Avec la création récente de la dernière réserve, les Thiers de Theux, AD&N va avoir plus que jamais besoin d’aide. N’hésitez pas à venir nous rejoindre, en famille ou entre amis, que ce soit pour une paire d’heures ou une journée… selon vos disponibilités.
Des pelouses même à La Reid
Autour de La Reid, le calcaire se retrouve principalement en fond de vallée, au niveau du Turon, un endroit peu propice pour les pelouses calcicoles mais où, par contre, se retrouvent les chantoirs. Autour du village, iI est néanmoins possible d’observer ici et là sur le versant Nord quelques lambeaux de ces pelouses, qui cèdent rapidement la place aux pelouses sur… schiste, un autre milieu intéressant mais sur une roche bien ardennaise cette fois.
Autour de La Reid existent également bien d’autres milieux méritant notre attention, le plus spectaculaire d’entre eux étant certainement le formidable réseau bocager qui ceinture encore le village.
AD&N asbl en quelques mots
AD&N est l’acronyme d’Agir pour la Diversité et la Nature. Cette association, principalement active à Theux, a pour objectif la protection de notre patrimoine naturel et paysager ainsi que la sensibilisation. N’hésitez pas à nous soutenir en devant membre (cotisation annuelle de 5€). Contactez-nous pour en savoir plus : info@adnature.be – 0494/98.35.36.